parfois tu te maudis vraiment de devoir faire les magasins, chidori.

T'aurais du rester dans ton appartement à ne strictement rien faire mais à la place t'es sortie, parce que tu avais jugé bon d'acheter quelques trucs aujourd'hui. Et là tu sais plus quoi faire, tu paniques. Parce que les murmures sont rapides mais que tes oreilles aussi. Tu entends ces mots; il y a un malade. Tu vois les doigts qui se pointent vers elle, cette élève, et toi tu veux juste disparaître, te téléporter si loin, si vite. Alors tu esquives, tu baisses les yeux et tu te fais discrète, le cœur qui bat si fort, presque au bord des larmes alors qu'elle n'est pas si proche. Sauf que le problème vient de là. T'as cette pression qui s'installe sur ton dos, qui se colle à toi de tout son être et toi tu es tétanisée car tes yeux regardaient si bas que tu ne l'as pas vu venir. T'as l'impression que tu oublies de respirer lorsque tes yeux retombent sur elle. Et les premiers naissent dans ta pensée.
Elle est monstrueuse.

Tu ne peux pas le dire ainsi, tu n'en as pas le droit mais il y a cette chose en elle qui te fait peur, et t'as les mains qui tremblent sur le sac rempli de courses que tu tiens, fébrile. T'as bien envie de dire quelque chose, mais t'as le cerveau qui fonctionne plus et la terreur au ventre. Y ces oreilles qui sortent d'elle ainsi que ces queues. Tu crois même voir des moustaches ainsi que des crocs et ton esprit ne peux pas s'empêcher de faire le rapprochement.
Elle est malade.

Il s'agit peut-être des premiers signes de sa transformation, elle est peut-être au dernier stade et toi t'es là et elle se colle, colle si fort que tu veux en mourir. Sauf que de vous deux, c'est elle qui est condamnée, pas toi et tes craintes. Mais de vous deux, c'est toi qui meurt de peur. T'es plutôt brutale quand tu essaies de t'éloigner et tu sais qu'elle a du comprendre que t'es effrayée, à la limite de pleurer. Cela doit se voir dans tes yeux, dans tes tremblements qui ne cessent. Pourtant tu veux faire comme si de rien n'était, t'en as vraiment envie. Alors, avec ta sale voix à la limite de se briser, tu oses quand même demander.

— Tu veux quelque chose ?

Et tu veux juste pleurer, toi, voilà ton seul désir face à ce mal.

Il y a son horrible voix qui résonne et qui te fait trembler. Tu es prise de sueur froide, clairement pas à l'aise. Parce que ce qu'elle dit paraît innocent mais que les mouvements vifs qu'elle fait autour de toi le sont beaucoup moins. Elle dégage cette aura mauvaise, celle qui te met mal à l'aise. Et puis ton cœur loupe un battement, puis deux, parce que son souffle résonne à ton oreille, si près, que tu crois exploser, ne serait-ce que l'espace d'un instant. Ses mots sont des couteaux, de ce qui terrorisent plus qu'ils ne tuent. Et toi, tu te laisses faire, faible. Toi, tu laisses effrayer, apeurée. Tu as les mains qui tremblent, qui se serrent. Tu as ces sueurs froides que tu aurais tant aimé cacher, mais que tu ne peux pas combattre.
C'est c'est le diable.

De ceux qui se déguise, qui se moque et qui joue. De ceux qui effraient sans craintes, sans gêne, si ce n'est sans haine. Tu as les pieds figés au sol, condamnée, pétrifiée de peur. Et son corps qui revient contre le tien, d'une surprenante agilité, te faisant lâcher prise. Tu vois tes bricoles sortir du sac alors que celui-ci s'écrase au sol, alors que celui-ci te fuit comme tu devrais fuir.
Et ton cœur est gros, prêt à exploser.

— Je … je suis désolée, j'voulais pas …

Tu ne sais pas pourquoi tu t'excuses, car tu ne lui as pas fait de mal. C'est elle qui te hache l'âme avec ses mots, c'est elle qui est la cause de ces gouttes salées alors que tu te baisses pour ramasser le tout, pitoyable à souhait. Tu trembles de tout ton corps, priant silencieusement que quelqu'un arrive pour te porter secours, mais l'espoir n'est pas là. Les gens ont peur, les yeux baissés, et toi tu es là, victime de sa rage. Tu te précipites dans tes gestes mais tes mains tremblent, et tu lâches plus que tu ne ranges alors que quelques soubresauts te prennent.

Tu as presque envie de supplier pour que cela cesse, alors que tout ne fait que commencer.

Tu ne t'es jamais sentie aussi pitoyable dans toute ta vie. Ce n'est même plus de l'humiliation à ce stade, mais bien plus. En ce moment précis, on se moque ouvertement de toi, de cette peur qui te ronge et que tu ne contrôles pas. Tu te sens incapable de faire quoi que ce soit, de la contre dire ou même de te relever et partir. Alors tu la regardes juste, impuissante, écrasant tes achats de son pieds, t'insultant aussi bien du regard que de ses mots. Et toi, tu restes tétanisée.

Et elle le dit elle-même; tu es ennuyante. Parce que ta peur te gèle sur place, parce qu'elle te rend incapable de quoi que ce soit. Et tout ce que tu trouves à faire, c'est la chose la plus stupide du monde. Tu hoches la tête, et mordant violemment les lèvres. Oui, tu acquiesces, les yeux tremblants. Mais tu n'arrives pas à pleurer pour autant.


— Je …

Tu quoi, Chidori ? Tu rien du tout. Tu n'as rien à dire, rien à faire. Tu n'as même pas le courage de pleurer, du lui obéir. Tu es juste impuissante. Tu n'es même pas d'accord avec elle et pourtant, tu fais comme tel, lui offrant le bénéfice de lui dire qu'elle a raison, de ne pas la contre dire. Et pourtant, tu ne lui obéis pas. Tu trouves la force de te remettre droite, de ne pas faire trembler tes jambes, ou tout du moins pas trop fort. Et tu te mords la lèvre, encore.

Tu as laissé la casse par terre, parce que tu n'as pas le courage de ramasser, tu ne veux pas prendre le risque qu'elle te fasse mal, qu'elle te blesse. Et cela pour rien. Parce que tu ne sais pas ce que tu lui a fait, tu ne sais pas s'il y a un quelconque mal dans tes gestes, dans tes paroles.


— Je peux partir si vous voulez.

Et dans un sens, tu te soumets au mal.